Martin Margiela : My Favorite!

A l’occasion de la collaboration de la Maison Martin Margiela avec H&M, retour sur un créateur qui me fascine depuis son exposition en 1992 au Musée Boijmans van Beuningenest de Rotterdam. Il y présentait une rétrospective de ses vêtements les plus caractéristiques, après les avoir soumis à un bain de diverses bactéries, et en les exposant à l’extérieur dans les jardins du musée. Leur aspect, de ce fait, était différent chaque jour.

Voilà l’article (conservé précieusement sous blister!) d’Elisabeth Lebovici que je lisais religieusement chaque semaine dans les pages « Culture » de Libération.
« Margiela, du moisi dans le froufrou »

Le couturier Martin Margiela expose un vrai projet artistique à Rotterdam, au Musée Boijmans van Beuningen, jusqu’au 17 août 1997.
Le plus gros de l’exposition Margiela tient en une seule rangée de vêtements, disposée en ligne, derrière la baie d’un pavillon de verre du musée. La salle est vide, donc, et les vêtements, suspendus sur fond de jardin et de verdure, de nuages et de bleu, sont à l’air libre. Et surtout: à contre-jour, entre vitre et ciel. 18 ensembles de vêtements, témoignant des 18 collections de Martin Margiela, couturier flamand qualifié de «majeur» depuis qu’il a taillé, réassemblé, réajusté de vieilles sapes hétéroclites, de l’uniforme aux froufrouteries des puces en passant par le rouleau de Scotch, l’impression photographique d’un tissu sur un autre, l’enveloppe de teinturerie en cellophane ou, bien sûr, le patron en lin servant d’habitude à la fabrication, pièce vedette de la collection 1997.
Depuis la fondation de «la maison» en 1989, Martin Margiela se dit né en 1977-80, moment de son passage à l’académie d’Anvers et il n’a jusqu’ici fait aucune apparition publique. Option évidemment respectée par l’exposition, sobrement accompagnée d’un petit journal marqué de définitions du dictionnaire («cloth’ing»; «white»; etc.) et des lignes de contour permettant de reconnaître chacun des ensembles de vêtements (et sa paire de chaussures idoine) choisi pour identifier l’une des 18 collections passées en revue. En fait, ce ne sont pas des vêtements, mais leurs doubles, laissés en blanc, passés entre-temps dans les mains d’un microbiologiste, qui les a «traités» avec des bactéries ou des champignons. Incubées convenablement, ces bactéries (rouge, rose, jaune, ou mousse verte) ont déposé des marques, des dessins, un poudrage, des salissures, des touches, des taches ­ comme on voudra ­ lesquels, au séchage des pièces à l’air libre (d’où leur exposition au dehors), produisent un bel effet de sensations colorantes, comme aurait dit Cézanne. Qui changera durant tout le temps de l’expo, évidemment. Cette forme de renversement qui accorde une valeur hygiénique, voire bénéfique à la salissure ou la moisissure est, comme on sait, celle dont on fait les bons yoghourts.

Ce qui inspire manifestement Margiela, dans son art de couturier même (il va désormais aussi le mettre au service du très convenable Hermès), c’est moins l’aspect patrimonial du vêtement («la couture, c’était mieux avant»), qu’en quelque sorte, sa valeur d’usure, qu’il aborde sans le moins du monde y mettre de répulsion.

LEBOVICI Elisabeth, article du 4 août 1997, Libération.

Une collaboration unique avec H&M

A cette occasion, la maison Martin Margiela a choisi, non pas de créer une nouvelle collection « capsule » inédite, comme c’était le cas avec les précédentes enseignes (Sonia Rykiel, Marni, Comme des garçons…) mais de rééditer des vêtements et accessoires iconiques de Maison Martin Margiela. Le concept du génial créateur belge était bien présent, malgré son absence depuis 2009 au sein de la maison !  C’est la raison pour laquelle ce jeudi 15 novembre » je n’étais là pour personne »! Le lookbook publié dès le 17 octobre,  ma sélection était faite. Malgré une attente de près d’1h30 ce fut un très agréable moment à papoter chiffons. Une fois à l’intérieur,  il n’y avait plus qu’à se servir…d’autant que nous n’avions montre en main que 15 minutes essayage et paiement compris (jubilatoire!). Tout cela dans un calme olympien et une bienséance exemplaire. A moi blaser, sac, collier…un rêve éveillé!

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 [BÉABA] Martin Margiela

Anonymat

Martin Margiela est l’un des créateur les plus secrets du monde de la mode. Il ne fait plus d’apparition publique depuis 1994, et ne se laisse jamais photographier,  ne donne aucune interview directement. Il répond aux questions posées par fax ou par mail.. Il ne s’exprime jamais en son nom propre mais toujours au nom du collectif que constitue son entreprise. Aucune photo de l’homme mystérieux ne circule à part une qui date (pas très difficile à trouver!). Très vite, il a l’idée de pousser cette « impersonnalisation » à l’extrême… Ses vêtements portent alors des étiquettes blanches ou numérotées sans jamais mentionner la marque, ce qui fera sa gloire!

Blanc

C’est sa couleur fétiche dans toutes ses nuances, dans ses ateliers tout est blanc, les murs, les sols, les meubles et même les blouses du personnel.

De manière cohérente, la griffe a évolué, grandit, si bien qu’aujourd’hui, outre les collections initiales, 0 (artisanale) et 1 (femme); entre les accessoires, les objets, les chaussures, les « garde-robes » y compris masculines, la maison compte 23 lignes.

Défilés

Lors de son premier défilé, il fit marcher ses mannequins dans de la peinture rouge pour laisser des traces tout au long du podium. Ses défilés ont souvent été hors normes : ils pouvaient par exemple se dérouler dans des lieux atypiques, tels qu’un terrain vague de Paris, une station de métro (1992), ou bien étaient éclatés en plusieurs lieux. Plusieurs fois, il n’a pas organisé de défilé, se contentant de projeter un film.

Il refusait aussi le star système du mannequinat, caractéristique des années 1990. Chez lui, les mannequins défilaient quasi anonymes, le visage caché, afin que l’attention se concentre sur les vêtements. Une seule fois, il déroge à cette règle en embauchant, pour les photos de la collection automne-hiver 1999, l’un des mannequins alors les plus demandés : Stella Tennant, enceinte à cette époque.

Evolution

Pendant huit saisons, jusqu’en 2004, Martin Margiela fut également le styliste de la maison Hermès.

La collaboration du créateur avec Hermès entre 1998 et 2003 va marquer un véritable tournant pour la marque qui sera alors reconnue par un plus large public. En 2002, la marque connaît un nouvel essor, avec l’entrée du groupe Diesel dans son capital, en tant qu’actionnaire majoritaire.  En 2000, la marque inaugure une première boutique à Tokyo. Suivront en 2002, Bruxelles et Paris.
En 2004, la première boutique de Londres ouvre ses portes, dans un atelier d’artiste.

Aujourd’hui, Maison Martin Margiela s’articule autour de 32 points de vente mono-marque et plus de 500 boutiques multi-marques sur les cinq continents.

En 2009, Martin Margiela quitte sa maison et le monde de la mode, sans laisser d’adresse!

Formation

Formé à l’Académie royale des beaux-arts d’Anvers, où sont aussi passés, entre autres, en même temps que lui, Walter Van Beirendonck, Ann Demeulemeester et Dries Van Noten.

En 1984, il travaille comme assistant de Jean Paul Gaultier jusqu’au lancement de sa propre marque Maison Martin Margiela en 1988 qu’il fonde avec Jenny Meirens.

Style (mais il préfère parler de Thème)

Comme l’oversize ou le trompe-l’œil. Retravailler et développer la structure et la construction du vêtement ont toujours fait partie intégrante de son processus créatif : c’est l’essence même de son travail. Des vêtements coupés vif, des réutilisations de pièces anciennes, des jeans peints… Il crée depuis le début des pièces uniques totalement artisanales, faites d’objets ou des vêtements récupérés. Chaque saison des replicas sont proposés : vêtements chinés dans le monde entier, explicitement et intégralement reproduits à l’identique, et vendus comme tels.